Quelle rentrée pour les IEN ?

La rentrée approche, on voit ici et là les gens se préparer, psychologiquement pour certains, concrètement pour d’autres. Quand on travaille dans l’Éducation nationale, la rentrée est un moment particulier, porteur de nombreux enjeux. J’ai envie de parler de la rentrée des IEN, en particulier des nouveaux dans le métier, de ceux qui ont muté et arrivent sur une nouvelle circonscription, voire un nouveau département…

Pour ceux-là, je livre ici quelques réflexions et conceptions, tout à fait personnelles, mais qui, je pense, pourraient être utiles.

Prendre un poste d’IEN c’est stressant à de nombreux égards. La masse d’informations reçues lorsqu’on fait la transition avec l’ancien collègue est phénoménale et peu s’en rendent compte. Les collègues sont toujours très accompagnants, envoyant documents, tableaux excel, offrant des tas de dossiers papiers, d’informations …En quelques heures, le « nouvel arrivant » doit assimiler des noms, des lieux, des informations « primordiales »…ce qui n’est pas sans générer du stress…Prendre connaissance des dossiers, des spécificités, de la carte scolaire, des mails déjà arrivés dans l’été, de préparer la rentrée …Je pourrai continuer  longtemps l’énumération des petites et grandes choses à savoir, à faire, à anticiper…

Si besoin, allez voir l’excellent partage de Nicolas Durupt, IEN expérimenté et formateur IHEEF :

Kit démarrage IEN 1D (genial.ly)

Et pourtant, avec un peu d’expérience, je suis maintenant convaincu que c’est un peu secondaire. Chaque chose viendra en son temps. Je pense maintenant qu’il faut consacrer son énergie et son temps en premier lieu à une question fondamentale : quel IEN je veux être ? Ce travail d’introspection me semble indispensable. La masse de travail, la pression professionnelle risque d’étouffer nos réflexions, nous engager à faire trop vite en voulant faire trop bien, à laisser parfois nos travers personnels et professionnels « trop » s’exprimer…Or, prendre le temps de l’introspection est un gain pour la suite, gain qualitatif et quantitatif.

L’IEN est un cadre. À ce titre, il met en œuvre les attentes institutionnelles, il gère, manage, pilote…Mais le « comment » c’est lui qui le choisit. Quel IEN je veux être ? Quelle est mon identité ? Comment je veux piloter ? c’est-à-dire d’une certaine façon :

Quelles valeurs je porte et je veux partager ? Comment je les porte concrètement ?

– Quelles relations professionnelles, quel cadre de travail je veux instaurer avec l’équipe de circonscription, le pôle ressource, les directions d’école, les équipes enseignantes, les personnels autres (ASEM, AESH…), les principaux de collège, la collectivité… ?

Ces deux ensembles de questions sont pour moi fondamentaux. D’autres penseraient surement différemment et c’est leur droit mais je pense que le rapport aux autres est la clé d’un travail bienveillant, cadré, respectueux, efficace…Et que derrière le rapport se cache beaucoup de choses dont la communication est LA clé et un levier indispensable à maitriser. Un rapport bien construit, partagé avec tous les personnels sera garant d’une collaboration efficace, chacun à sa place, chacun avec ses propres missions et obligations.

Je partage donc 5 points qui répondent pour moi à ces questions, 5 points qui sont majeurs dans ma façon de travailler :

1- Être respectueux. Le respect envers tous est important. On va me dire : on l’est tous. Je ne suis pas sûr de vouloir répondre (lol). Prenons un exemple concret : la première réunion de rentrée avec les directeurs -directrices. Comment cette réunion peut-elle témoigner du respect et de la place que je donne aux personnes ?  Par exemple sur la réflexion sur les contingences logistiques :  choisir la date, les horaires et le lieu de la réunion en pensant aux directeurs. Si je choisis un lieu qui m’arrange moi mais qui impose aux directeurs de longs trajets, des difficultés à se garer, des horaires qui débordent hors temps de travail… ce n’est pas respectueux (sauf à considérer qu’ils sont à notre service et corvéable à merci) et pas engageant pour eux. De même qu’avoir un ordre du jour annoncé en amont, tenir strictement l’horaire annoncé, laisser la parole… sont des indicateurs d’un fonctionnement pensé et bienveillant.  Faire preuve d’empathie professionnelle permet d’anticiper aisément tout cela. Cela posera un cadre bienveillant sur la réunion.

2- Être bienveillant. Le mot le plus utilisé, détourné, tordu ces dernières années, mal compris (volontairement parfois)…La bienveillance s’inscrit dans la relation aux autres comme le fait d’avoir un avis a priori positif et engageant envers les gens avec qui on travaille. S’ancrer dans l’empathie, la compréhension, l’écoute, avec l’idée qu’on accompagne les autres pour qu’ils vivent au mieux leur métier et soient de meilleurs professionnels. Ce qui n’empêche pas le cadre et l’exigence. Le cadre ce sont les règles. Elles sont le fondement du système. Pas de passe-droits parce qu’on veut plaisir ou qu’on connait un tel. Pas d’adaptations abusives des règles…Avoir le même positionnement pour tous est garant de la confiance. Adieu le « fait du prince ». Ne pas oublier ce qu’est être fonctionnaire et œuvrer pour le service public. On fixe le cadre. On explique les objectifs (mettre du sens !) et on travaille AVEC les personnels. On recadre si nécessaire, on accepte l’erreur, mais surtout on écoute et on encourage. Et on fait des feedbacks (des vrais !), y compris à soi-même.

3- Être transparent. Transparent au sens d’être honnête et d’expliquer comment les choses fonctionnent. Expliquer les choix qu’on a pu faire en tant qu’IEN, nos priorités. Par exemple, j’ai toujours privilégié ma présence à une ESS « compliquée » où ma présence était demandée par l’équipe à ma présence à un conseil d’école. Il est impossible d’être partout. L’IEN fait des choix. Il est parfois bon de s’en expliquer plutôt que de laisser des quiproquos ou des rancœurs s’installer.  Et de le faire en amont. Poser les règles dès le départ (le cadre) permet de nouer une relation de confiance.

La transparence c’est aussi l’humilité : plutôt que de dire n’importe quoi (de peur d’être mal perçu), je crois qu’il vaut mieux ne pas répondre à une question dont on ne connait pas parfaitement la réponse. Ça arrive. On diffère. Une connaissance exhaustive des textes est attendue des IEN mais il y a des questions, des situations qui méritent qu’on diffère la réponse pour offrir une réponse adaptée, précise et pertinente.

4- Communiquer de façon explicite. Rien de pire qu’une mauvaise communication. Orale ou écrite, les deux méritent réflexion et compétences (donc on se forme si on ne sait pas bien faire) ! Il est parfois nécessaire de préparer certaines prises de parole (qui doivent rester spontanée) pour savoir quoi dire et comment le dire. Par exemple lors de la réunion de directeurs, ça pourrait donner quelque chose comme :

« Mesdames, Messieurs, vous verrez un certain nombre d’informations dans la note de rentrée qui sera envoyée demain matin à tous les enseignants (j’annonce que parfois je communique directement aux enseignants sur leur mail perso-pro) mais je souhaite vous donner tout de suite ces informations (replacer chacun dans son rôle : le directeur est un interlocuteur privilégié, …qui n’aimerait pas avoir une info par un de ses collègues qui aurait lu la note plus vite que lui)…La première information est que je m’engage à passer dans chaque école d’ici la fin du mois (annonce précise d’un engagement avec un calendrier), vous rencontrer ainsi que les enseignants et autres personnels de l’école (car je n’oublie personne !) afin de me présenter, de saluer tout le monde en cette rentrée et de voir et comprendre vos conditions de travail quotidiennes (j’explique pourquoi je viens). Ce sera une visite informelle (je rassure), ne vous stressez pas pour cela, et si vous n’avez pas le temps, nous le prendrons une autre fois (je me positionne : ils ont un travail à faire, si je viens à l’improviste, ils peuvent ne pas être disponible, c’est normal. Je respecte leur travail). »

Communiquer c’est aussi expliquer le cadre de sa communication : j’estime par exemple qu’un mail professionnel doit être envoyé entre 8 h et 18h, un jour ouvré. Pas de mails en dehors de ces horaires (le cadre, la loi, toussa toussa). Par contre, expliquer aux directeurs (aux enseignants) qu’en cas d’urgence (définir ce qu’on entend par urgence), ils peuvent communiquer en dehors de ces heures (expliquer alors quand et comment : mail,sms, appel ? car il faut aussi se préserver). Notre rôle est aussi d’apporter un accompagnement et il y a parfois des urgences qui amènent à être réactifs hors des horaires de travail. 

5- Expliquer sa vision : piloter c’est avoir une vision ; porter un projet avec ses valeurs et des valeurs partagées.

On est jugé à nos actes pas à nos paroles. Il est ridicule de se déclarer bienveillant, humaniste, respectueux, ou exigeant, etc. si nos comportements disent le contraire.  On ne fait pas de politique ! Donc, on a une vision, qui va au-delà de la simple gestion. Une vision qui s’inscrit dans les attentes institutionnelles, une vision ambitieuse pour le territoire où on œuvre, un projet qu’on va porter et apporter aux équipes… Mettre du sens dans l’action de chacun. Responsabiliser et encourager. Il y aurait beaucoup à dire sur ce concept de vision mais ce sera pour un prochain article…

En conclusion de ce propos peut être un peu décousu, retenir une chose : faire son introspection, réfléchir à son identité professionnelle est peut-être la clé de la réussite…

Bonne préparation de rentrée à tous !

11 thoughts on “Quelle rentrée pour les IEN ?”

  1. Merci Nicolas pour ces points de vigilance tellement fondamentaux.
    En fin de carrière et ayant travaillé dans différents endroits dans différentes missions, Directrice d’école, CPC, Coordo ZEP/REP, PE spécialisée… J’ai eu la chance de rencontrer plusieurs IEN qui mettent ou mettaient (ils sont désormais retraités… avant 64 ans…) en pratique les points forts cités. D’autres, moins nombreux, heureusement, n’ont sans doute pas compris le sens du pilotage d’une circonscription et compense une certaine médiocrité par un autoritarisme qui est contre productif.
    Les premiers travaillent « avec » et sont présents, les seconds sont en position surplombante. Ils communiquent peu, répondent approximativement ou pas aux demandes de ceux qui sont face aux élèves et s’abritent derrière une secrétaire (heureusement qu’Elles sont là pour faire fonctionner les circo) ou une institution) … (Ils organisent les réunions en pensant d’abord à leur propre confort 😉)
    Au final, j’ai eu davantage l’occasion de travailler avec les premiers et c’est rassurant car les enseignants ont besoins de soutien, d’encouragement et de respect pour accomplir leurs missions complexes et parfois bien compliquées, auprès des élèves et des familles.
    Bonne rentrée 2023 !

  2. Merci Nicolas pour ce beau rappel de nos ambitions éthiques, professionnelles et personnelles en tant qu’IEN. Une belle rentrée à toi aussi. Hélène, un coeur dans le 76, une vie en 63

  3. Monsieur PINEL,
    le respect, la bienveillance, la transparence, la communication et le partage des valeurs sont des points qui me paraissent également essentiels dans la gestion des nombreuses missions d’un IEN. Merci de nous les rappeler en cette veille de rentrée.

  4. Merci Monsieur Pinel pour votre post.
    Je suis conseillère pédagogique et votre analyse m’aide aussi à avancer dans ma réflexion sur mon métier.
    Je profite de ce commentaire pour vous remercier pour vos différents travaux qui m’ont soutenue quand j’ai passé le Cafipemf,
    Ou que j’ai utilisés (comme la méthode Mhm dès sa 1ère année avec mes Cm1 Cm2).
    Cordialement
    Karine Bailly Barthez
    Cpc Généraliste Albi

  5. Bonjour
    Merci pour ce partage! Ça fait du bien de lire sur ce thème m, on se sent moins seul (e)….
    La rentrée est toujours un moment compliqué !

  6. Bonjour Mr Pinel
    Si seulement un dixième de ça traversait l’esprit de notre IEn que nous subissons depuis plusieurs années dans l’Orne… nous serions moins mal au travail …
    Vous ne souhaitez pas venir par chez nous ? 😀

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