Journée d’étude et de réflexion SE-UNSA : « Faire réussir les élèves: une ambition, des leviers, une exigence collective. »

Bourse du travail, PARIS le 9 mai 2025.

Le SE-UNSA, syndicat enseignant, m’a fait l’honneur de m’inviter à leur journée d’étude du 9 mai pour y jouer le rôle du grand témoin. Mission difficile mais intéressante !

J’ai pu ainsi profiter d’une conférence de Marc Bablet, des ateliers de Sylvain Connac, Laurent Reynaud, Carolone Desombre et Jacques Bernardin, puis d’une table ronde, avec l’objectif d’en rédiger une synthèse pour clôturer cette journée.

C’est cette synthèse que je vous partage ici:

Cette synthèse a été rédigée au fil de la journée. C’est donc un document évidemment perfectible mais totalement authentique.

Nous venons de vivre une journée riche, humaine et intensément stimulante. À travers la conférence, les ateliers, et cette table ronde, une conviction a émergé avec force : la réussite de tous les élèves n’est pas une utopie, mais une exigence démocratique qui appelle des transformations profondes et coordonnées.

Et en fil rouge un enjeu énorme : ne pas transformer les différences sociales en inégalités scolaires.

Et cette conviction doit lutter contre le fait que l’école est un objet de communication politique.

Un constat essentiel s’est imposé : l’école est aujourd’hui traversée par une diversité croissante — des parcours, des rythmes, des contextes de vie, des représentations de la réussite.

1. Hétérogénéité : non pas un obstacle, mais un moteur

la conférence d’ouverture de Marc Bablet a apporté des éclairages indispensables.

La société a évolué depuis 30 40 ans dans une dynamique néo libérale.  Une des premières conséquences qui vient heurter le monde enseignant est l’évolution du comportement des parents qui s’inscrivent dans un consumérisme scolaire créant une tension.  Marc Bablet nous a expliqué cette tension et d’autres qui mettent aujourd’hui beaucoup d’enseignants en souffrance : sentiment de ne plus pouvoir faire son travail correctement,  porosité vie pro et vie perso, stress, conditions de travail, manque de reconnaissance, etc.

Au cœur de ces changements se pose la question de l’hétérogénéité. Plutôt que de chercher à homogénéiser, il s’agit d’embrasser cette pluralité comme une ressource.

L’hétérogénéité demande d’avoir des pratiques qui prennent en compte la diversité des élèves sans rentrer dans cette individualité réclamée par une vision d’une école libérale.

Les ateliers l’ont montré : à travers la coopération (Sylvain Connac, Laurent Reynaud), la différenciation, ou l’inclusion active (Caroline Desombre), les pratiques pédagogiques évoluent pour faire de cette hétérogénéité un levier de dynamisation du collectif et d’épanouissement individuel.

2. Changer les pratiques pour transformer les conditions d’apprentissage

Ce qui se joue, ce n’est pas seulement la transmission de savoirs, mais la qualité de l’environnement d’apprentissage : climat de classe, confiance, posture de l’enseignant, droits à l’erreur, aménagements, etc.

Et dans cet environnement, la question de l’évaluation est fondamentale.  On dispose de beaucoup d’outils qu’il faut utiliser de la bonne manière et non pas dans une perspective de classements. C’est à dire évaluer pour disposer d’informations utiles et , in fine, comprendre ce que les élèves ne comprennent pas.

Laurent Reynaud nous a montré comment en partant d’une bonne intention – mettre les élèves en groupe avec une production à réaliser – on peut créer ou renforcer les inégalités …sauf si on pose les bons jalons pour définir le travail de groupe en insistant par exemple sur ce qu’on apprend…

Mettre en place de bonnes pratiques demande une posture repensée…Par exemple, poser les questions simples comme : Qu’est-ce que tu as fait ? Qu est-ce que tu as appris ? C’est à dire vérifier si l’élève a différencié tâche et activité …

Ou bien Tu es sûr ? pour permettre aux élèves de s’autoriser élèves à interroger, argumenter…

Et la question de l’évaluation ne peut s’envisager sans une plus grande pratique de l’observation des élèves.

Et c’est ce que Sylvain Connac nous a bien montré dans son exemple avec Youssra. Sans entretien avec les élèves, sans tuteur, aucune évaluation « papier » n’aurait pu nous dire ce qui posait problème à cet élève…Caroline Desombre, dans son atelier autour de la question de l’inclusion, a bien explicité comment dans le repérage des BEP l’observation est la première clé pour identifier réussite et difficulté puis, une fois que les difficultés sont identifiées, comment identifier obstacles et besoins…

Les ateliers de Jacques Bernardin ont quant à eux particulièrement souligné l’importance d’une pédagogie active et signifiante, où les élèves peuvent créer du sens, mettre en débat le vocabulaire, argumenter, reconstruire le savoir par eux- mêmes, dans une logique d’appropriation.

Les ateliers de Sylvain Connac ou Laurent Reynaud nous ont montré que la pédagogie coopérative peut répondre à ces besoins pour plusieurs raisons : ces pratiques s’appuient sur la recherche tout en rendant cela pleinement opérationnel avec des outils concrets…

Et ainsi cette journée a été riche en propositions pédagogiques pour répondre collectivement à l’hétérogénéité et faire réussir les élèves…

Travail de groupe, tutorat, table d’appui, outils … ou encore la récréation de textes de Jacques Bernardin qui sous couvert de jouer avec la langue et la mémoire emmène dans des échanges riches entre élèves.

Et on pourrait citer les marchés de connaissance ou les pratiques pédagogiques inclusives comme Caroline Desombre en a donné des exemples…

Ces pratiques sont intéressantes sur bien des points en particulier du fait qu’elles ne stigmatisent pas les élèves, sont des alternatives aux groupes de niveau…

Et le second effet Kiss cool, c’est que ces types de pratiques permettent des évolutions des pratiques professionnelles en lien avec l’évaluation l’hétérogénéité des élèves…

Mais il ne suffit pas de faire ou de mettre en œuvre pour obtenir cela. Les intervenants l’ont tous dit : cela fonctionne si on comprend les enjeux pédagogiques ou didactiques de ces pratiques car elles n’ont pas été pensées n’importe comment…dépasser ses conceptions parfois erronées sur l’effet tuteur, sur le handicap, différencier travail en groupe et travail de groupe, etc…et toutes ces pratiques ne peuvent plus et ne doivent plus se penser dans la solitude de la classe, chacun porte fermée !

Tout cela ne peut arriver par la pensée magique …ou l’injonction ou la lecture d’un article.  Cela passe par la formation !

Et la transition est ainsi parfaite pour ma 3e partie :

3. L’enseignant, artisan de l’inclusion… formé et accompagné

Une constante de cette journée : l’enseignant ne peut porter seul la mission d’équité. Il a besoin d’une formation initiale et continue exigeante, connectée aux réalités du terrain, de temps de concertation, d’une culture professionnelle, du travail collaboratif et d’un appui de la hiérarchie.

Marc Bablet nous a partagé sa vision d’une formation efficiente (vision que je partage totalement) : partage, échanges, observations, accompagnement en classe, et surtout une formation qui répond aux besoins réels et non pas à une idée politique éphémère…

L’enseignant n’est pas un simple exécutant, raison pour laquelle les formations dispensant une bonne parole n’ont ni sens ni efficacité.

L’enjeu est de renforcer une véritable ingénierie pédagogique, mais aussi la capacité à écouter, à coopérer, à ajuster — qualités qui, on l’a vu, sont au cœur de la posture inclusive et de la différenciation réussie.

Et pour cela il faut une formation de formateur exigeante, non culpabilisante mais responsabilisante.

C’est un défi énorme qui attend l’institution…

Tous ces éléments étant posés se pose la question finale :

4. Réussir : quelle définition, quelle évaluation, quelle finalité ?

La table ronde a donc ouvert un débat fondamental : Quelles conditions pour faire réussir tous nos élèves ? …en résonance avec ce qui a pu se dire lors des ateliers : que signifie « réussir » aujourd’hui ? Les politiques portent l’étendard de l’égalité des chances, expression dont Marc Bablet a souligné les dangers…

Réussir c’est quoi ? Acquérir des compétences, atteindre son plein potentiel, être maître de son orientation, répondre à la norme ou s’émanciper des déterminismes, ne pas être en échec, trouver les ressources pour un développement optimal…

Et quelles finalités pour l’école dans une société démocratique…mission de formation des élèves, de classements des élèves, former à tout finalement (et pas que du disciplinaire), parle-t-on d’instruction ou d’éducation…faire vivre la démocratie, devenir citoyen, acquérir une culture commune…

Nous avons vu ainsi émerger une tension entre la finalité individuelle (développement, épanouissement) et la mission collective de l’école (former des citoyens libres, outillés, critiques).

Se pose alors la question de l’inclusion dans cette problématique…on sait qu’il s’agit de ne pas faire d’intégration mais d’aller dans un travail plus profond : une évolution des conceptions, un changement de pratiques des enseignants, donner du sens…donner d’autres sens aux savoirs

Dans une vision systémique de tout cela, les familles et partenaires ont un rôle, où chacun garderait sa place, en réfléchissant aux ponts à créer…en faisant évoluer les représentations, se rapprocher de l’école pour les familles en difficulté, œuvrer à une connaissance mutuelle…pour plus de reconnaissance

Sur ce chemin, l’évaluation devient inévitablement un noeud. Elle peut être frein… ou levier. Sortir du prisme de la seule évaluation sommative, sélective. Ne pas être inscrit dans la comparaison.

Une évaluation formative, valorisante, centrée sur la détection des erreurs, les progrès et les processus (plutôt que sur la seule performance) est une clé de réengagement pour les élèves les plus fragiles. Elle prend du temps mais est pourtant utile.

Comment voir les choses ? Est-ce que l’école doit s’adapter à la société ou est-ce l’inverse ?

Au-delà de toutes ces réflexions l’école doit s’interroger sur l’idée d’une Éducation permanente qui valorise l’apprentissage tout au long de la vie …accompagner les élèves par des passerelles est une piste mais il faut encourager les familles à prendre ces passerelles, encourager les élèves à être curieux, critiques…

L’école doit aussi s’ouvrir à l’extérieur mais faut-il toujours tout attendre de l’école…on ne parle pas vraiment d’éducation dans les médias. En faire un enjeu sociétal !

L’école ne peut plus s ’arrêter au lire, écrire et compter…une évolution est nécessaire…

En conclusion : une école de la réussite pour tous, cela s’organise, se construit, se revendique.

Enfin, la journée se conclue sur une ouverture nécessaire : la réussite ne se joue pas uniquement dans l’espace scolaire (Caroline Desombre a parlé de tiers lieu pour les enseignants, une idée intéressante)…ni uniquement pendant la scolarité obligatoire, ni sans une volonté politique.

Avoir le souci de faire réussir tout le monde tout en sachant qu’on n’y arrivera pas…avoir l’envie de se saisir de cet objectif insaisissable. Être bienveillant envers soi aussi.

L’idée d’une éducation permanente — dans le temps, dans les lieux, dans la diversité des acteurs — est venue enrichir notre réflexion. Familles, collectivités, associations, monde du travail… tous ont un rôle à jouer. L’école ne peut réussir seule.

Oui, l’école peut faire réussir tous les élèves. Mais à une condition : qu’elle cesse de penser la réussite sur un modèle unique, normatif, et s’ouvre à la co-construction d’un cadre souple, exigeant, inclusif, fondé sur l’idée que tous les élèves sont éducables, à tout moment, avec les bons outils, les bons temps, et les bons partenaires. Qu’il y a un changement systémique profond et coordonné.

Il ne s’agit pas d’ »adapter » à la marge, mais bien d’interroger le cœur même de nos conceptions pédagogiques, nos évaluations, nos postures et nos finalités. Ce pari de l’éducabilité universelle est un impératif républicain.

Merci à tous les intervenants pour la richesse de leurs contributions, et à vous participants pour votre présence active.

Vous pourrez enrichir ces apports avec les références données par les intervenants, notamment en allant feuilleter les toujours excellents cahiers pédagogiques…formez-vous, et faites-le pour vous, parlez-en avec vos collègues…

Ce que vous allez maintenant faire de cette journée, dans vos classes, vos équipes, vos territoires, fera toute la différence.  

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