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TIMSS : résultats et analyse
Les résultats de TIMSS 2023 sont tombés et sans surprises ils sont très mauvais. Comme j’en avais fait la (facile) prédiction il y a quelques mois en conférence, les résultats ne sont toujours pas à la hauteur et ne progressent pas.
Je simplifie ce qu’il faut en retenir en 3 points :
- Les élèves français sont tout en bas du classement de l’OCDE, loin derrière la moyenne européenne. Le score est près de 40 points en dessous de la moyenne européenne…
- L’écart de niveau entre filles et garçons se creuse en CM1 (et pour rappel il commence dès le CP) et ce n’est pas un phénomène marginal…on parle de 10 points d’écart en plus ! Les évaluations nationales de cette année montrent d’ailleurs que c’est encore plus que cela sur certaines compétences.
- La France fait partie des pays les plus inégalitaires socialement en maths en CM1.
La communication médiatique dit qu’ils sont « stables ». Je pense qu’il ne faudra pas longtemps avant que quelqu’un trouve même ça pas mal au regard de la période COVID (ce serait oublié que tous les autres pays ont été concernés autant voire plus…). Donc …c’est stable, mais en bas du tableau. Certains auront du mal à accepter l’échec manifeste des politiques mises en œuvre depuis 5 ans et iront chercher des boucs émissaires (et je plains les professeurs !).
Concernant la globalité des résultats, n’importe quel enseignant, parent, décideur politique devrait être révolté, scandalisé en comprenant les enjeux, tant pour les élèves, que pour l’avenir d’une nation comme la nôtre. C’est catastrophique. Et je fais une nouvelle prédiction : cela ne va pas s’améliorer au regard de l’état du système éducatif, et du contexte sociétal, car les décisions à prendre ne seront jamais prises…
Le plan Villani Torossian de 2018 avait pourtant posé un constat précis, sourcé et proposé des solutions pertinentes. Pourquoi cela n’a pas marché ? Parce que le problème est systémique, complexe, multifactoriel, même si beaucoup s’empresseront de mettre cela sur le dos des professeurs…Les décideurs voient un cout (donc freinent) et non un investissement et c’est là l’erreur fondamentale.
Concernant la différence entre garçons et filles, l’explication vient essentiellement des stéréotypes de genre. J’en parle plus en détail dans une vidéo retranscrivant une conférence donnée récemment : https://youtu.be/5J_ESbA3o0s et d’autres en parlent bien mieux que moi !
Pour moi, une des clés est la formation des enseignants…Formation trop faible qualitativement et quantitativement. Qui plus est, face à un métier qui a perdu toute attractivité, on recrute massivement des contractuels (quel pourcentage de contractuels en 2019 ? 2023 ?), on manque de formateurs (compétents), les professeurs de maths sont une espèce en voie de disparition… les injonctions se multiplient et il faut former aux maths, au français, aux sciences et à tous les sujets qui font l’actualité à un moment donné…comment approfondir ? Quel temps pour former aux mathématiques en tant que mathématiques (sans un axe didactique) ? Finalement quel temps de formation réelle un professeur des écoles a-t-il eu en maths ces cinq dernières années ? Et les professeurs de collège ?
Alors je pourrais lister des dizaines d’autres facteurs expliquant ces résultats : le rôle des parents, des écrans, l’attention des élèves, le comportement des élèves dans le cadre scolaire, les programmes, les conditions de travail, le salaire des enseignants, taille des classes, réformes successives, etc. Certains diront que non, ils ont un effet marginal quant aux résultats scolaires, car cela a été étudié par la science. C’est sûrement vrai hors contexte, mais qu’en est-il quand ces facteurs marginaux se combinent, s’ajoutent ? On aime se comparer avec d’autres pays, mais cela n’a aucun sens si on ne prend pas tous les critères en compte. Et je trouve que beaucoup de critères sont mis de côté, notamment tout le hors-scolaire qui pourtant a un impact.
Il y a toutefois deux éléments qui m’interpellent :
- la scolarisation dans des cours à double niveau (ou multiniveau). Enseigner les programmes actuels (et encore plus les prochains) dans un cours double est complexe, oblige à mettre les élèves en autonomie, limite les temps d’explicitation, d’accompagnement… Quel impact du cours double sur les apprentissages avec le profil actuel des élèves ? Quelles études récentes ? Quelques études (partisanes ?) semblaient dire que c’était efficace, mais le public d’aujourd’hui et les conditions n’ont rien à voir avec ce que c’était il y a vingt ou même dix ans… En France, d’après la DEPP, 49% des élèves sont scolarisés dans un cours double. Difficile de trouver des chiffres précis à l’étranger, mais en Finlande, ce serait 10%, moins que nous en Espagne, Italie, pays d’Asie (mieux classés que nous) et si on s’appuie sur la structuration scolaire du pays, je dirai 0% à Singapour….
- Le nombre de jours d’enseignement…La semaine à 4 jours française semble une exception…même si quelques études tendent à dire que cela ne change rien…J’ai fait un constat en créant MHM en imposant un fonctionnement sur 5 séances/semaine (comme 5 jours) : les élèves avaient une séance de calcul mental de plus par semaine qu’aujourd’hui…Et clairement, ça se voyait dans les résultats.
Au final, ce sujet va faire quelques-unes de presse, quelques reportages télé…puis retournera dans les limbes. On invoquera probablement un « nouveau plan maths » et comment la mise en place de l’approche Singapour va tout sauver…Vision simpliste des choses qui n’apportera évidemment pas les résultats escomptés, car ce n’est que la surface du sommet de l’iceberg.
Alors pour finir sur une note optimiste et positive, voici deux conseils aux enseignants, deux conseils « simples » à hauteur de ce qu’on peut faire dans une école, mais qui peuvent réellement changer la donne :
- Adoptez sur l’ensemble de l’école la même approche, méthode. Qu’il s’agisse de MHM, de Singapour, ou toute autre méthode récente exploitant réellement la démarche manipuler-représenter-abstraire et l’enseignement explicite. Faites-le réellement (pas de « oui, mais moi j’ai besoin d’adapter, de m’approprier… ») et pendant au moins 5 ans, sans changer de méthode. Formez-vous à cette méthode, échangez entre vous, partagez vos réussites, vos échecs.
- Formez-vous à des éléments annexes pourtant essentiels en maths : les stéréotypes de genre et la dimension psychologique (anxiété, rapport à la discipline, etc.).
Et là, je peux faire une autre prédiction (je triche…j’ai déjà constaté que cela marchait) : si vous faites cela, les résultats vont largement suivre !
Pour aller plus loin:
Sur le site education.gouv : https://www.education.gouv.fr/timss-2023-resultats-en-mathematiques-et-en-sciences-des-eleves-de-cm1-et-4eme-415965
le café pédagogique : https://cafepedagogique.net/2024/12/04/des-resultats-alarmants-en-maths-15-des-eleves-de-cm1-nont-pas-le-niveau-minimal-timss-2023/