Histoires de mensonges à l’école…

Lors d’une discussion entre amis « éducation nationale », nous avons échangé sur la notion de mensonge chez les élèves, chacun partageant anecdotes et opinions. Cela a suscité débat car tous n’étaient pas sur la même longueur d’onde. J’ai trouvé intéressant de poursuivre la discussion par quelques lectures personnelles pour confirmer ou infirmer mes propres idées.

Mes réflexions ne sont que la compilation de quelques lectures et n’ont pas prétexte à exhaustivité mais je pense utile de partager quelques éléments.

D’abord, il faut s’intéresser au contexte et à ce qui amène au mensonge, les motivations internes de l’enfant. Commençons par poser quelques principes de base :

– un enfant n’est pas un menteur pathologique (hors très rares exceptions),

– les mensonges des enfants ne font pas d’eux des manipulateurs pervers. Non, il n’en fait pas exprès pour vous faire souffrir !

En tant que professionnel ou parent, il faut s’interroger sur notre propre réaction face au mensonge : pourquoi cela me touche-t-il autant ? Plus que ma/mon collègue ? Souvent c’est lié à un système de valeurs personnelles et une importance majeure donnée à la confiance et à l’éthique. Mais l’enfant n’agit pas selon notre système de valeurs, il réagit selon ses propres schémas internes.

La question du mensonge interroge d’abord la maturité et l’âge de l’enfant : le mensonge fait partie du développement normal d’un enfant. Les chercheurs s’accordent pour dire qu’avant 6-7 ans, les enfants ne mentent pas véritablement dans le sens où ils cherchent rarement à tromper volontairement. Le mensonge exige une certaine maturité cognitive et émotionnelle. Les enfants racontent ces choses avec un objectif précis. Leur imaginaire prend même le pas sur la réalité : ils croient intimement à la vérité de ce qu’ils disent ! C’est pour cela qu’insister auprès d’un enfant jeune pour qu’il avoue son mensonge n’a pas de sens et aura surtout des effets négatifs .

Passé 7 ans, l’enfant commence à développer logique et conscience morale mais cela se heurte à son environnement et à son éducation. Comment peut-il se construire sereinement si autour de lui, des adultes (parents, enseignants) recourent eux-mêmes aux mensonges (par omission, par facilité, par malhonnêteté…) ? C’est en fait bien plus courant qu’on ne l’imagine.

Dans le contexte scolaire, je pense qu’on peut catégoriser deux types de mensonges liés à des objectifs différents :

– le mensonge d’évitement : pour éviter une sanction ou une sanction imaginée. Maitresse, c’est pas moi, c’est lui qui a commencé…C’est un mécanisme de défense, surtout quand l’attitude de l’adulte en face de lui est perçue comme menaçante. L’enfant ment alors pour se défendre.

– le mensonge par intérêt : le but est alors de chercher à se rendre intéressant, à exister dans le groupe. L’enfant veut attirer l’attention. Parfois parce que face aux autres, il se sent dévalorisé :  Maitresse, moi aussi je suis parti en vacances là-bas, et même qu’on était dans un hôtel de luxe et…Il peut aussi s’agir d’un mensonge dont l’objectif est d’obtenir quelque chose (une faveur, un encouragement). Un élève qui dit « je suis nul » ment et ce mensonge a pour seul objectif d’obtenir du réconfort, une réassurance de l’adulte face à une faible estime de soi. L’intérêt du mensonge peut aussi être de chercher à ne pas décevoir la maitresse ou les parents, en faisant plaisir. L’enfant dit alors ce qu’il pense être attendu par l’adulte (Maitresse, j’ai fini mon exercice…Maman, j’ai bien rangé ma chambre…).

Le mensonge est une pratique à double face : d’une part, le mensonge donne du pouvoir face à la toute-puissance ressentie des adultes; d’autre part, il témoigne souvent d’une certaine détresse et une incapacité à exprimer son mal-être… Le mensonge est aussi un outil pour tester la confiance envers les adultes.

La tentation est grande de quantifier les mensonges, ce que font certains adultes pour justifier leurs propres comportements. Il y aurait ainsi les petits mensonges « sans importance » dont parfois les adultes eux-mêmes donnent l’exemple quotidiennement et les « gros mensonges » qui relèvent parfois du secret de famille plus ou moins lourd à porter (situation familiale compliquée comme un divorce, difficultés financières…).

Dans tous les cas, le mensonge a un sens et ce qu’il faut, c’est lui restituer ce sens, comprendre le pourquoi et comprendre si l’élève a conscience qu’il falsifie la réalité ou non. Tous les élèves mentent à un moment ou un autre mais ce qui pose problème dans le cadre scolaire c’est le caractère répété et lorsque l’élève en fait une stratégie systématique face à toutes les difficultés qu’il rencontre. 

Comment agir en tant que professionnels de l’éducation (et parents) ?

Il semble que la meilleure option soit d’avoir un comportement cohérent entre nos actes, nos paroles et nos valeurs. Il faut construire des relatons saines avec les enfants, dans la confiance et le respect.

Quelques conseils :

– tenir compte de l’âge de l’enfant,

– travailler ensemble (adultes de l’école et parents) pour rassurer l’enfant et faire cesser la tentation du mensonge,

– expliquer pourquoi le mensonge est délétère et qu’on a besoin de se faire confiance,

– éviter de coller une étiquette de « menteur » qui risque de l’encourager à poursuivre. On peut montrer qu’on ne croit pas ce qu’il dit mais sans remettre en cause sa parole.

– le féliciter quand il s’explique, ne ment plus dans une situation où il aurait menti précédemment, ou quand il se confie et arrive à exprimer son mal-être…

– expliquer que parfois l’adulte ment aussi pour protéger quelqu’un de quelque chose qu’ils sont encore trop jeunes pour comprendre.

En conclusion, je pense que cela ne peut pas faire de mal d’être au point sur un tel sujet car il fait partie intégrante de certaines situations conflictuelles en classe, de relations difficiles. En étant au clair sur le sujet, on ne pourra que mieux gérer.

Sources

Chapellon, Sébastien, et François Marty. « Le mensonge chez l’enfant », La psychiatrie de l’enfant, vol. 58, no. 2, 2015, pp. 437-452.

Comprendre un enfant qui ment ; Article : Comment réagir avec bienveillance face à un enfant qui ment ? – Apprendre à éduquer (apprendreaeduquer.fr)

Dalloz Danielle. Le mensonge (2006), éditions Bayard

Levy Haesevoets, Y. (2011). L’analyse psychologique du mensonge chez l’enfant : un défi pour l’expertise psycholégale de crédibilité. Enfances & Psy, 53, 87-99. 

Pellé-Douël Christilla (2003). Enquête : faut-il croire les enfants ? https://www.psychologies.com/Famille/Enfants/Paroles-d-enfants/Articles-et-Dossiers/Enquete-faut-il-croire-les-enfants

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *