Réflexions sur l’évaluation des formations

Je livre ici quelques réflexions générales sur un sujet que je pense important pour une formation continue pertinente réellement au service des professeurs.

La question de l’évaluation des formations d’enseignants est complexe. Elle n’est pas toujours pensée (au sens de réfléchie, conceptualisée). La mesure de l’impact des formations sert parfois plus les organisateurs et formateurs que les formés.

Les formations dispensées aspirent à développer de nouvelles compétences que l’on a jugées nécessaires pour résoudre des problèmes rencontrés dans la classe.A ce jour, il existe plusieurs types de formation dans l’enseignement (premier degré):

* les animations ou conférences pédagogiques : temps de formation généralement courts, de 1h30 à 6h, dispensées par un ou plusieurs « experts» : professeur des universités ou maitre de conférence, inspecteur (IEN ou IA-IPR), conseiller pédagogique, formateur second degré, professeur ressource, etc.

* les constellations: nouvelle modalité issue du plan « mathématiques » et étendue à d’autres domaines. Elles répondent à des caractéristiques précises: taille de groupe limitée, durée importante (plus de 18h), échanges de pratique et observation en classe (par exemple sur le modèle des Lesson study),etc.

* les groupes de travail : temps de formation à durée variable pendant lesquels des enseignants, avec un animateur, doivent accomplir une tâche de production ou répondre à une commande. Ce qu’on retrouve parfois à l’issue d’un conseil école-collège, d’un plan d’actions d’une cité éducative ou d’un réseau d’éducation prioritaire…

* les stages : bien qu’en voie de disparation, ils en subsistent quelques-uns (par le caractère obligatoire): ceux-ci pouvant aller d’une journée à plusieurs semaines, ils ont un objectif plus ou moins précis dans le cadre d’une thématique choisie ou en lien avec l’adaptation à une fonction précise.

Etc.

Toutes ces formations sont proposées selon des critères et modalités très variées: temps obligatoires ou choisis, 100% présentiel ou hybrides, selon des logiques variables pour choisir les formés (par groupes d’école, par niveau, par contraintes pratiques…).

Ces différentes modalités donnent lieu à des évaluations variables :

– aucune évaluation: même si cela disparait, cela existe encore.

– relevé du ressenti des participants (oralement): « êtes-vous satisfaits/contents ? ».

– questionnaire de fin de formation : listing de questions s’étalant des détails d’organisation de la formation, à l’évaluation des ressources proposées, au transfert possible, etc. Ce questionnaire peut être anonyme ou non (ce qui change évidemment la façon dont il est complété).

– grille d’analyse dite « araignée » sur plusieurs champs notés sur 5-6 valeurs, souvent accompagnée de commentaires. Les champs sont par exemple : adéquation entre le descriptif et les contenus réalisés au cours du stage – Rapport entre la durée du stage et la densité des contenus – Équilibre de l’emploi du temps – Enrichissement personnel – Apports professionnels – Réinvestissements possibles – Prise en compte de la diversité des attentes des stagiaires – Formes de travail et démarches adoptées – Mode de participation des stagiaires : attitude et dynamique du groupe.

Ces évaluations sont essentiellement centrées sur la forme de la formation et l’acquisition des compétences visées par la formation. Mon expérience m’a amené à voir plusieurs difficultés sur ces fonctionnements:

  • dans le format choisi. Les échelles de Likert (noter sur 5 de « tout à fait satisfait » à 1 « totalement insatisfait ») poussent parfois les personnes à mettre une note moyenne pour « éviter » de se positionner. De même les choix binaires (oui/non, d’accord/pas d’accord…) incommodent : souvent l’item proposé appelle une réponse plus complexe et il est difficile de trancher, etc.
  • sur le moment choisi: demandé juste à la fin de la formation : quelle prise de recul ? demandé quelques semaines après à distance, quid ? etc
  • sur le fond : l’évaluation s’attache parfois dans sa construction à montrer que le formateur a rempli la commande car lui-même a des comptes à rendre.
  • sur la pertinence : l’évaluation menée s’attache souvent plus à la représentation de l’enseignant qu’à une évaluation individuelle de sa compétence réelle.
  • sur la suite de cette évaluation : le formateur fait-il un retour aux formés ? Exploite-t-il les réponses pour réinterroger ses pratiques voire le dispositif ?

La critique est évidemment facile et la mise en œuvre bien difficile, tant les contraintes sont nombreuses. J’ai parfois moi-même été en difficulté! Toutefois, en se concentrant sur trois axes, on pourrait avoir quelque chose de plus qualitatif:

Axe 1 : l’évaluation des acquis : les participants à la formation ont-ils atteint les buts fixés par la formation,  et qui avaient été contractualisés en amont?

Axe 2 : le transfert : les formations d’enseignant ont généralement pour objectif de transférer l’objet de formation en un changement de pratiques professionnelles sur le terrain. Il faut donc anticiper la mesure du transfert : comment est-il mesuré ? Par le formé seul ? Avec le formateur ? Et il faut en amont avoir bien validé avec les formés du caractère réaliste (et réalisable) de cet attendu.

Axe 3 : l’impact sur les élèves : les changements de pratiques professionnelles, s’il y en a eu, ont-ils un impact sur les résultats des élèves ? Quels outils sont proposés aux enseignants pour le mesurer ?

Les questions du transfert et de l’impact sont souvent déléguées à l’Inspecteur qui devrait lors de ses inspections futures revenir sur ces formations, mais les inspections n’ont plus la même fréquence qu’avant le PPCR, même dans le cadre des évaluations d’école . La mise en place d’un suivi reste rare car chronophage. Les outils utilisés différent et ne font pas l’objet d’un consensus entre formateurs.

La question de l’évaluation des formations d’enseignants doit donc largement être approfondie et repensée.

On peut reprendre le travail mené par François Muller sur la formation d’enseignants et l’évaluation (voir son site) .

François Muller nous propose une répartition des différentes étapes d’une formation :

Analyse des besoins définition des objectifs de formation et des effets attendus 
Conception  définition des objectifs de formation et des effets attendus 
Développement développement des outils de l’évaluation 
Réalisation de la formation évaluation des pré-requis  évaluation au début de la formation évaluation pédagogique 
Evaluation de la formation (évaluation interne) niveau 1: opinion- satisfaction
niveau 2: mesure des acquis 
Suivi (évaluation externe) niveau 3: utilisation des acquis, application des compétences
niveau 4: résultats opérationnels

Il définit ainsi 4 niveaux d’évaluation, que l’on peut détailler dans la carte ci-dessous :

Pour aller plus loin dans cette réflexion, je vous conseille d’aller directement à la source, sur le site de François Muller: http://francois.muller.free.fr/diversifier/la_formation.htm

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